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une souleur ; mais Joséphine se remit bien vite et leur dit :

— C’est Ambroise le fils du bedeau qui s’est accoûtré comme ça pour nous faire peur ; je vais bien l’attraper, je vais emporter son bonnet carré, et il faudra bien qu’il vienne le chercher avant la messe.

Ce qui fut dit fut fait : elle monte à la course le perron de l’église, s’empare du bonnet carré, et se met à sauter et à danser au milieu des autres en faisant toutes sortes de farces.

Les bonnes gens dormaient quand elle arriva à son logis ; elle rentra à la sourdine, mit le bonnet carré dans un coffre à moitié vide qui était dans sa chambre à coucher, le ferma avec soin avec une clef qu’elle mit dans sa poche, et dit en elle-même : Quand Ambroise viendra demain au matin, je m’en divertirai un bon bout de temps en lui disant que j’ai perdu le bonnet carré dans la grande anse de Sainte-Anne, et qu’il le cherche.

Elle allait s’endormir, lorsqu’elle entendit du bruit à la fenêtre du nord de sa chambre ; elle ouvre les yeux et voit le même individu qu’elle avait vu sur les marches de l’église, qui se tenait encore le corps en avant et les lèvres collées sur une des vitres du châssis, et elle entendit distinctement ces paroles : « rendez-moi mon bonnet carré ! » Un bruit qu’elle entendit aussitôt dans le coffre la fit frissonner. La lune était alors levée et elle vit qu’au lieu d’Ambroise, c’était un grand jeune homme pâle comme un mort qui ne cessait de crier : « rendez-moi mon bonnet carré ! » Et à chacune de ces paroles, elle entendait frapper en dedans du coffre