Page:De Gaspé - Mémoires. 1866.djvu/409

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— C’est peu, fit Pierre Verrault, pour un homme de votre âge.

— C’est bien peu, reprirent ensemble Charron et de Gaspé.

— Il ne faut pas mentir, dit le père Romain, il est bien vrai que ce n’est qu’un péché véniel, et qu’il en faut autant pour faire un péché mortel qu’il faudrait de pelletées de neige pour chauffer un four, mais c’est toujours très-mal.

Le père Chouinard avait le mensonge en horreur.

— Je vous dirai donc, pour ne pas mentir, que j’ai bien entendu, deux ou trois fois pendant la nuit, des gémissements (bruits, frémissements) dans les airs au-dessus de ma tête, mais je ne puis jurer que ce fût la chasse-galerie ; ça en avait ben l’air, mais il ne faut pas mentir : c’est vilain.

Nous donnâmes tous de grandes louanges au vieillard sur sa délicatesse de conscience en le priant de nous conter ce qu’il avait vraiment vu et entendu.

— Il est bon de vous dire, fit le père Romain, que c’était bien, bien loin d’ici : j’étais alors au service des bourgeois de la baie d’Hudson, et je m’en retournais à l’un des postes, après une longue absence, avec le produit de ma chasse. J’avais bien hâte d’arriver mais j’étais si chargé que je n’avançais guère.

Le père Chouinard avait certainement raison, car, après l’énumération qu’il nous fit de ce qu’il portait sur son dos, outre sa hache, son fusil et son chaudron, mes amis estimèrent qu’il devait être chargé d’environ quatre cents livres.

— Il y avait beaucoup de neige, continua le narra-