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toi, chercher la purgade qu’il a la bonté de me donner.

J’emmenai le père Chouinard en triomphe, et deux heures après, nous étions sur les bords du lac qui offrait, malgré la rigueur de la saison, un aspect encore très-pittoresque. Sa surface, aussi loin que la vue pouvait s’étendre, était couverte d’une glace vive et transparente comme le plus beau miroir. Il n’y avait rien d’attristant à contempler les cèdres, sapins et épinettes qui faisaient l’ornement des îlots et qui bordaient ce beau lac dans toute son étendue. Les branches touffues des vieux arbres couvertes de neige me rappelaient nos vieux gentilshommes la tête toujours poudrée à blanc, pour cacher les ravages que les années avaient fait subir à leur chevelure. Et les jeunes arbres, avec leurs branches ornées de givre, me rappelèrent aussi mon entrée dans le monde, vingt ans auparavant, lorsque l’étiquette exigeait de nous la même parure de tête que les vieillards. Une bouffée de vent s’éleva tout à coup ; toutes les têtes frémirent, et je crus un instant, dans mon imagination quelquefois poétique, que tous ces arbres, s’animant au son de cet orchestre éolien, allaient nous souhaiter la bienvenue par un bal forestier.

Je fus tiré de ma rêverie par M. Charron : Votre seigneurie, me dit-il, est naturellement assez paresseuse, elle a les mains tendres comme une jeune fille ; qu’elle se rende à la cabane avec le père Romain, où elle ne manquera pas d’occupation, tandis que mon ami M. Verrault et moi, nous ferons ici le plus dur de la besogne. C’est en effet un ouvrage assez fatigant que de pratiquer une fosse dans la glace, qui a souvent trois à