— C’est bien tentant, repris-je, mais que ferons-nous, confinés dans une cabane de sept pieds carrés, depuis quatre heures et demie du soir jusqu’à huit heures du matin ?
— Nous ferons des contes, répliqua mon ami, nous ferons le récit de nos prouesses de chasseurs, nous mentirons à qui mieux mieux : ça sera charmant !
— Eh bien ! dis-je, me voilà décidé, mais à une condition : nous prendrons en passant le père Romain Chouinard ; c’est un faiseur de contes inépuisable.
— Vous comptez, mon seigneur, sans la mère Romain, fit mon ami ; si elle se met en tête de ne point laisser son mari s’absenter de chez elle, le diable même ne lui fera pas entendre raison.
— C’est mon affaire, je n’ai jamais rencontré femme si acariâtre, si féroce, que je n’aie adoucie comme un agneau, après dix minutes de conversation.
– À demain donc, fit M. Charron d’un air narquois, et je vous souhaite bonne réussite.
Je tenais beaucoup à la société du père Romain, mon guide ordinaire lorsque je visitais le lac : c’était un excellent vieillard, rempli de complaisance et d’attention pour moi. J’y tenais beaucoup ; surtout depuis qu’il m’avait raconté qu’il avait vu son frère Julien faucher son pré à deux heures de l’après-midi.
— Il n’y a rien d’extraordinaire, lui avais-je dit alors ; votre frère était mon voisin et je l’ai vu, moi, faucher plus de cent fois à toutes les heures du jour.
— Je vous crois, monsieur, répliqua le père Romain, mais c’est bien différent, car la fois dont je vous parle,