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Grenon travaillait dans la forêt près d’un camp sauvage avec un de ses amis ; ce dernier, chargé de faire la cuisine, dit à Grenon, lorsqu’il vint dîner, qu’un indien d’une taille énorme lui avait rendu visite, avait levé le couvercle de la marmite dans laquelle leur soupe mitonnait, et avait fait une insulte à la dite soupe. Quoiqu’on n’en vit aucune trace, ce n’en était pas moins un cruel et sanglant affront à leur potage. Grenon leva les épaules et dîna d’assez mauvaise humeur. Mais le même sauvage continuant le même jeu pendant deux jours consécutifs, Grenon prit la chose au sérieux et dit à son compagnon : Je garderai la cabane demain.

L’indien arrive à la même heure que de coutume et traite la malheureuse soupe avec autant de mépris que les jours précédents. L’hercule irrité saisit le sauvage par les jambes au-dessus de la cheville du pied et s’en servant comme d’une massue, il en frappa un arbre avec tant de violence à plusieurs reprises, que de la tête, des bras et du tronc de l’indien, il ne lui resta que les jambes qu’il tenait en mains. Il est inutile d’ajouter que c’était celui des exploits de Grenon qui m’amusait le plus, lorsque j’étais enfant, et auquel j’ajoute le plus de foi. Il est cependant permis de croire qu’il y a quelque chose de vrai dans cette anecdote si connue dans les Laurentides, et que le sauvage paya cher sa gentillesse.

Je reviens à mon ami, monsieur Paschal Laterrière : ceux qui le voient maintenant auront peine à ajouter foi à l’anecdote que je vais relater. Si cet aimable et spirituel compagnon de ma jeunesse n’a rien perdu de