Page:De Gaspé - Mémoires. 1866.djvu/387

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

prendre, bien déterminé à gagner le nord-est si elle allait du côté du sud-ouest. Nous finîmes par nous séparer ; elle me fit, encore, une belle révérence en me disant qu’elle n’oublierait jamais la galanterie des messieurs du sud.

Je l’envoyai, en moi-même, à tous les diables, et je fis une halte à la première habitation que je trouvai et où je demandai un vaisseau de lait, pour me rafraîchir, car la langue me desséchait dans la bouche.

Je m’enquis de la maîtresse de la maison si c’était, ici, le pays où les femmes sont plus fortes que les hommes ; et je lui racontai mon aventure.

— C’est Marie Grenon, me dit-elle, en éclatant de rire ; et elle vous aurait, au besoin, porté par dessus son minot de sel et monté les côtes sans fléchir.

Mon fils Alfred, assistant inspecteur dans le département des postes à Québec, auquel je lisais cette notice sur les Grenon, tout en regrettant le manque de plus amples renseignements sur cette famille, me dit :

— Je crois pouvoir vous en donner bien vite par Augustin Tremblay, un de nos conducteurs de malles de la paroisse de la baie Saint-Paul.

En effet, peu de jours après cette conversation, voici ce que cet homme lui raconta :

— Mon père encore plein de vie, quoique quasi nonagénaire, a bien connu le vieux Grenon et sa famille. Un de ses fils était d’une force remarquable, sans néanmoins approcher de celle du père, mais une de ses filles semblait en avoir hérité. Les autres Grenon sont des bons hommes, mais rien de plus. Quant au vieux Grenon, on croyait tous que le diable