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dont nous attendions la visite arriva. C’était un petit vieillard, chétif en apparence dont nous n’aurions pas donné quatre sols. Quoiqu’il nous fût inconnu, nous lui fîmes le meilleur accueil possible, et nous lui offrîmes de souper avec nous.

— Ce n’est pas de refus, dit-il, mais je ferai comme les sauvages, je vous laisserai aussitôt que j’aurai pris mon repas, car je ne veux pas perdre la marée montante pour me rendre à l’Isle-aux-Grues. Et puis il ajouta : est-ce que vous n’avez pas de coupe-feu, que vous vous laissez aveugler par les flammèches ?

— Il y a bien, lui dis-je, un arbre le long de ce banc de sable qui pourrait nous rendre ce service, mais il est si pesant que nous avons renoncé à le traîner jusqu’ici.

Le vieillard continua à fumer pendant quelques minutes tout en jasant avec nous, se leva ensuite ; et grâce à l’obscurité, nous le perdîmes bientôt de vue. Quelle fût notre surprise, notre horreur, lorsque à l’expiration de quelques minutes, nous le vîmes revenir l’arbre sur l’épaule !

— Tenez, dit-il en le jetant à terre, voici votre coupe-feu et nous souperons plus à l’aise. La pesanteur de l’arbre était telle que sa secousse en tombant près de nous, nous fit faire un bond d’un pied de hauteur. Nous crûmes fermement que c’était le diable en personne qui nous avait rendu visite, et nous le vîmes partir de grand cœur quand il eut soupé. Ce ne fut que le lendemain que nous apprîmes, par Dufour de l’Isle-aux-Coudres, que c’était le bonhomme Grenon, et non le diable qui avait soupé avec nous. Nous