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glorifiait de ses prouesses, car à l’exception des deux Messieurs Fournier, nous avions tous pris part à la lutte. M. Fraser lui-même s’en était retiré avec honneur, et nous avait donné les preuves d’une force bien au-dessus de son âge.

Lorsque nous eûmes fini de souper, M. Louis Fournier prit la parole :

— Vous vous vantez, messieurs, d’être des hommes ; je veux bien le croire, j’en ai eu des preuves, mais, voyez-vous, il y a des hommes d’une force si prodigieuse que l’on a peine à y ajouter foi : j’étais ici, à cette batture, il y a quarante ans, avec mon frère Pierre que vous voyez, feu mon frère Michel et le défunt José Jean, lorsque nous vîmes venir du nord un canot qui se dirigeait vers cette batture. C’est un de nos amis, de l’Isle aux Coudres qui vient nous rendre visite, dîmes-nous. Le soleil venait de se coucher, le vent du sud s’éleva, en sorte que le feu allumé à la porte de notre cabane nous incommodait beaucoup : les flammèches, les charbons nous aveuglaient. Un de nous proposa alors d’aller chercher à une petite distance sur le sable un arbre de merisier afin d’en faire un coupe-feu. Mais, après bien des efforts, (et nous étions pourtant des hommes tous dans la vigueur de l’âge,) nous n’avions pas le poignet pourri et mon défunt frère Michel, surtout, était d’une force athlétique, après bien des efforts, dis-je, il fallut à notre courte honte renoncer à notre entreprise : outre que l’arbre était très-pesant, les branches enfouies dans le sable à une assez grande profondeur, rendaient notre travail inutile.

Il était nuit close, et il faisait bien noir, quand celui