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dais les mêmes lamentations ; et ce ne fut que quand la barre du jour parut que je pus sortir de ce lieu funeste. Il est inutile d’ajouter qu’une heure après, je traversais au sud dans mon canot d’écorce.

Je ne me porterais pas caution, dit M. Fournier, de la vérité de ce récit, mais tout ce que je puis vous dire, c’est qu’étant bien jeune alors, il me fit une vive impression et que j’ai toujours vu depuis de mauvais œil la butte à Chatigny.

Comptons les joyeux chasseurs qui étaient réunis sur la batture aux loups-marins vers le quinze août de l’année mil-huit-cent-trente-trois. Les deux messieurs Fournier, déjà vieux à cette époque sont depuis longtemps dans le séjour réservé aux hommes vertueux ; c’est la loi de la nature. Messieurs Charron et Félix Têtu, du même âge que moi et tous deux d’une force athlétique, ont été enlevés à leur famille dans toute la vigueur d’une constitution qui devait leur faire espérer une longue vie. M. Alexandre Fraser à peine alors âgé de vingt ans, M. Fraser, fils unique, l’espoir de son père Simon Fraser,[1] écuyer, notaire de Saint-Jean Port-Joli, dont il était l’associé, fut enlevé à la tendresse de ses parents trois ou quatre années après ; je suis le seul que la mort ait épargné.

Nous étions tous réunis à la cabane, le soir, après avoir fait des tours de force en attendant le souper : chacun de ceux qui s’étaient livrés à cet exercice, se

  1. Monsieur Simon Fraser était trop avantageusement connu dans le district de Québec pour qu’un mot d’éloges de ma part soit nécessaire, mais je dois à la reconnaissance de déclarer qu’il a géré les seigneuries de ma famille pendant plus de quarante ans avec autant de probité que d’intelligence.