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l’automne, la provision de lièvres et de perdrix à votre famille.

— Le seul Carrier dont je me souviens, dis-je, était Carrier la patte de castor.

Ce Carrier, par un jeu assez bizarre de la nature, avait au lieu de la main gauche une vraie patte de castor à l’extrémité d’un moignon de bras de six à huit pouces de longueur, ce qui ne l’empêchait pas de faire du bras droit, et aidé d’une corde attachée à cette patte, tous les ouvrages qu’exige le métier de cultivateur, si ce n’est celui de vanner. Je crois devoir ajouter comme preuve des heureux effets du travail, de la persévérance et de l’énergie, que de pauvre qu’il était lorsqu’il abattit le premier arbre d’une terre que mon grand-père lui concéda dans sa seigneurie, il mourut riche après avoir établi confortablement sa nombreuse famille.

— Oui, continuai-je, je me souviens bien de ce Carrier, car c’était toujours un nouveau plaisir pour moi étant enfant de le voir fouiller avec cette petite patte, inerte pourtant, mais qu’il mettait en mouvement avec son moignon de bras, de le voir fouiller, dis-je, dans sa blague pour mêler le tabac avant de bourrer sa pipe. Connaissez-vous la cause de cette infirmité, car j’ai entendu plusieurs versions à ce sujet ?

— Sa mère a toujours prétendu, dit M. Fournier, qu’un sauvage, lorsqu’elle était enceinte, lui fit peur avec un castor vivant qu’il jeta sur elle. Mais revenons à notre ami Carrier, frère de la patte de castor ; c’est lui qui m’a conduit la première fois à cette