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un bec :[1] disons depuis la fin de la chasse du printemps jusqu’à celle du milieu d’août. Mais si Chatigny manquait de vivres, n’avait-il pas la ressource de faire le soir les signaux de détresse dont vous avez parlé ? Je ne puis répondre autrement qu’en supposant que le malheureux avait épuisé sa poudre et que, s’il avait tué précédemment du gibier, Pierre Jean l’avait emporté ? Reste maintenant la ressource du tondre et du batte-feu, mais il arrive quelquefois que sur deux chasseurs un seul en est muni, et on peut aussi supposer que Chatigny ne fumant pas, n’était pas dans l’habitude de s’en servir.


LÉGENDE SUR CHATIGNY.


Après vous avoir fait, continua M. Fournier, le récit d’une aventure qui me paraît véritable dans toutes ses circonstances, je n’ai pas la même foi dans celle que je vais vous raconter, car mon auteur n’était pas l’homme le plus véridique du monde ; c’était un farceur qui nous faisait toutes sortes de contes.

Vous avez sans doute connu Carrier, ajouta le narrateur : Carrier que l’on appelait l’homme des bois ; on aurait pu également le nommer l’homme des grèves, car il passait comme moi la plus grande partie de sa vie à faire la chasse. Vous devez certainement l’avoir connu dans votre enfance, car c’est lui qui fournissait

  1. Pas un bec : expression usité parmi les chasseurs pour exprimer l’absence de gibier.