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est dix heures et vous pouvez maintenant passer sans trop vous mouiller.

— Avez-vous jamais assisté au sabbat ? dis-je à mes compagnons en arrivant à la cabane. Eh ! bien ! si vous voulez en avoir un avant-goût, allez passer trois heures ce soir sur la butte à Chatigny et vous pourrez en parler savamment. Je n’ai jamais entendu de ma vie un vacarme aussi infernal ; je crois que tous les diables de l’enfer s’y sont donné rendez-vous cette nuit ! C’étaient des cris d’enfants, des..........

— Bah ! dit M. Louis Fournier, si vous aviez fait la chasse aux loups-marins pendant quarante ans comme moi, vous sauriez que les cris de leurs petits, lorsqu’ils sont écartés de leurs mères, imitent à s’y méprendre ceux des enfants.

— Passe pour les cris de vos jeunes amphibies, repris-je, mais étaient-ce les vieux loups-marins qui pleuraient, criaient, se lamentaient comme des âmes en peine ? Étaient-ce les vieux loups-marins qui rugissaient et hurlaient comme des bêtes féroces ?

— Vous avez entendu des lamentations ? dit M. Louis Fournier d’un air inquiet.

— Ah ! oui ! et de belles ! à faire dresser les cheveux sur la tête d’un chrétien. J’étais d’ailleurs placé très à l’aise pour n’en rien perdre, à l’abri d’une grosse épinette centenaire.

— Vous étiez assis sous l’épinette à Chatigny ! s’écria M. Louis Fournier en faisant un bond ; de quel côté, je vous en prie ?

— Pardié ! du côté du sud-ouest ; je n’aurais pas