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MÉMOIRES.

chambres à l’hospice des Dames de l’Hôpital-Général. Ces chambres communiquaient à l’église par un jubé. Un matin, elle me mène à la messe avec elle ; j’entends chanter l’office et je mêle ma voix enfantine et assez discordante à celles du chœur des religieuses. Ma mère, après avoir essayé inutilement de m’imposer silence, prend le parti le plus sage, celui d’emporter son maussade enfant hors de l’édifice sacré ; mais très contrariée d’avoir été la cause de ce petit scandale, elle se rend après l’office chez le vieux chapelain du couvent, l’abbé de Rigaudville, pour lui faire des excuses.

— Il fallait, madame, dit le vieil abbé, le laisser continuer : il chantait, comme les petits oiseaux, les louanges de Dieu dans son langage.

Cette réponse était à la fois galante, spirituelle et philosophiquement religieuse.

L’hospice de l’Hôpital-Général, situé hors des murs de la cité de Québec, et protégé, du consentement du général anglais, Lord Dorchester, par le drapeau noir, servait d’asile, en 1775, pendant le siège de Québec, aux malades et aux blessés de l’armée américaine commandée par le général Montgomery. L’abbé de Rigaudville passant dans les salles, le matin du premier janvier, entend des lamentations dont il ne peut deviner la cause, ne comprenant pas un mot de la langue anglaise. Les Américains élevaient les mains au ciel en criant : « Montgomery is dead ! » L’abbé comprenait parfaitement que Montgomery voulait bien dire Montgomery leur général, mais là s’arrêtait toute sa science. Supposant, avec raison, que la nouvelle