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nous introduisit même au gouverneur de l’État de New-York. Rien de plus simple que cette introduction à laquelle nous étions loin de nous attendre en visitant le City Hall. Trois hommes debout, tournant le dos à un feu de grille dans une chambre modestement meublée, conversaient ensemble, lorsque notre cicerone dit à l’un d’eux : « Gouverneur Clinton, permettez-moi de vous présenter deux messieurs du Canada. » Le haut fonctionnaire s’avança vers nous de l’air le plus gracieux, nous présenta la main, et nous parla du Canada jusqu’à ce que la discrétion nous fit retirer. J’admirai la délicatesse du jeune Américain, lequel, sans s’imposer autrement à nous, nous faisait les honneurs de sa ville avec une parfaite aisance.

Cet accueil si simple, si cordial du gouverneur, nous frappa par le contraste de celui qu’un gentleman américain reçut de sir James Craig, à Québec, peu d’années auparavant.

Jonathan[1] est introduit à notre gouverneur, et voyant qu’il ne se pressait guère de lui donner une poignée de main comme c’était l’usage même à Washington, il fait lui-même les premières avances et lui offre la sienne. Sir James se croise les deux mains sur son gros ventre. L’Américain avance une des siennes pour s’en saisir sur l’abdomen vice-royal même ; alors sir James laisse pendre les siennes chaque côté de ses culottes aristocratiques. Jonathan veut s’en emparer de nouveau ; mais sir James les passe derrière les bas-

  1. Sobriquet que l’on donne aux Américains des États-Unis.