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MÉMOIRES.

— C’est moi, colonel, dit monsieur F―――, qui vous apporte les effets et marchandises que vous m’avez demandés.

— Mais, reprit le colonel, il me semble que vous avez assez mal choisi votre temps que de les faire transporter ici pendant la nuit ?

— Je n’ai fait, colonel, qu’exécuter vos ordres : il m’aurait été difficile de les transporter secrètement pendant le jour, tandis que, grâce à la nuit sombre et aux précautions que j’ai prises, je puis vous garantir que personne n’en a eu connaissance.

Est-il fou ! pensa le colonel, ou bien est-ce une mauvaise plaisanterie de sa part !

— Moi, monsieur ! fit tout haut le colonel, commençant à perdre patience, je vous ai recommandé de m’envoyer secrètement les effets dont je vous ai envoyé un mémoire ? Allez vous coucher, mon cher monsieur F――― : vous en avez, je crois, grand besoin.

— Que j’aille me coucher ! répliqua monsieur F――― stupéfait ; que j’aille me coucher ! Heureusement que j’ai dans ma poche votre lettre, dont voici les propres mots : « Vous m’enverrez les effets, etc., etc., sans bruit le 1er  Juin ; » et sans bruit signifie secrètement, à la sourdine ; ou bien je ne comprends pas ma langue maternelle.

Murray poussa un immense éclat de rire ; et tout s’expliqua à la satisfaction du négociant et de sa pratique.

Quand ma mère allait à Québec, elle logeait souvent chez sa tante Desplaines, veuve riche qui, pour jouir de plus de tranquillité sur ses vieux jours, louait des