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qui dure quelquefois des heures entières. Le voyageur espère que le cocher va réparer le temps perdu ; vain espoir. Il essaie de tout ; il loue le cheval, il le déprime ; Jean-Baptiste n’en met pas plus grand pot au feu ; la réponse est toujours la même :

— Ah, monsieur, c’est une fine guevalle (cavalle) que ma bête, allez ; une guevalle qu’il faut toujours retenir à deux mains sur les cordeaux, la maîtresse trotteuse de la paroisse, mais quand elle mène les voyageurs elle ne va jamais plus vite qu’au taux de la loi.

Le lecteur doit voir par là que personne ne voyageait par plaisir, il y a quelque soixante ans. On prenait alors le temps pour tout ; personne ne se pressait ; pas plus le courrier chargé des malles du gouvernement que les autres ; en voici un exemple :

Je rencontrai vers quatre heures de relevée, dans la rue de la Fabrique, le trente-et-unième jour de décembre, le sieur Séguin partant pour Montréal avec lettres et dépêches. Le lendemain premier jour de janvier je me trouve face à face avec le même homme à la sortie de la grand-messe de la cathédrale. Je fis un écart croyant que c’était son ombre, mais je fus bien vite rassuré.

— Je vous la souhaite bonne et heureuse, me dit Monsieur Séguin, et autant d’années qu’il y a de pommes d’apis en Normandie.

— Et moi pareillement, dis-je, accompagnées de prospérités dans ce monde et du paradis dans l’autre.

Maintenant, Monsieur Séguin, continuai-je, comment