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MÉMOIRES.

habits, et eux les mettent par-dessus.[1] Après tout, ce n’est pas notre affaire : le colonel est une bonne pratique ; il faut le contenter. La nuit est heureusement sombre, je me charge de lui livrer les effets sans que personne n’en ait connaissance.

Il pouvait être une heure après minuit, lorsque monsieur F―――, suivi de deux voitures chargées de marchandises, entra dans la cour de Sans Bruit. Le plus grand silence y régnait. Il commença par frapper discrètement à la porte du maître d’hôtel, et ensuite beaucoup plus fort, sans pouvoir réveiller ce respectable fonctionnaire chargé du département de la cave, dans laquelle il avait, peut-être, puisé un profond sommeil. Mais un autre domestique, qui ne buvait probablement qu’au suçoir, c’est-à-dire, les restes et rinçures des verres et des bouteilles, finit par ouvrir une porte en demandant ce que l’on voulait :

Ce sont les effets et marchandises que le colonel m’a demandés, dit monsieur F―――, venez vite me montrer où je dois faire décharger les deux charrettes.

— Allez au diable ! fit le domestique en fermant la porte. Et il regagna aussitôt son lit.

Monsieur F――― se mit à frapper de nouveau, et fit un tel tintamarre que le colonel Murray ouvrit une fenêtre et demanda si le feu était à la ville, ou s’il y avait une émeute parmi les Français.

  1. Ce sont les Anglais qui ont introduit les gros bas de laine que l’on portait par-dessus les souliers pendant l’hiver, ainsi que le spencer, gilets que l’on mettait par-dessus l’habit à longue queue.