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voyez bien que toutes ces inventions anglaises là ne marchent que par ressorts.

— Oui ! oui ! dit Gabriel en étanchant avec un mouchoir de coton le sang qui coulait de son doigt presque séparé dans la jointure. Oui ! oui ! sauvons-nous ! sauvons-nous !

Que ne suis-je doué de l’humour,[1] du ton comique de notre ami le major LaForce pour raconter au moins une des nombreuses anecdotes qui nous faisaient rire pendant des soirées entières. Quand je rapporterais fidèlement ses propres expressions, il y manquerait toujours la verve comique du narrateur. C’est lui-même qui parle :

« J’aimais beaucoup la toilette lorsque j’étais jeune ; la poudre surtout que les messieurs portaient alors, était un objet dont je faisais une grande dépense. Je ne sortais jamais le matin que huilé et pommadé comme un esquimau, et la tête blanche et frisée comme un chou-fleur. Ajoutez pour complément à ma parure un jabot de chemise, large de six pouces, raide d’empois et plissé comme les coiffes de Madame Nadeau, lequel jabot partant du menton ne rencontrait pour obstacle que le dernier bouton du bas de ma veste, et vous aurez une idée de la parure d’un petit-maître de seize ans d’autrefois ayant nom LaForce.

« Je rencontre, le matin, en me rendant à mon bureau, le jeune C***, qui ne manquait jamais, lui,

  1. Je crois que les auteurs français commencent à enrichir notre langue du mot humour qu’on ne rend que très-difficilement même par périphrase.