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Napoléon I a eu le bon goût de bien accueillir Le génie du christianisme de Chateaubriand, ce qui me fait croire que si Volney n’eût eu d’autres titres à ses faveurs que ses « Ruines » le grand homme l’aurait probablement négligé.

Vous savez que Volney a visité notre hémisphère ; il a même fait un petit voyage sur le lac Érié, dans le même vaisseau dans lequel madame Dupéron Baby[1], du Détroit, et grand-mère de ma femme, avait pris passage. Je suis fâché de dire que cette sainte femme ne goûta guère la société du philosophe français, car quoiqu’il n’eût pas publié « Les Ruines » à cette époque, il n’en cherchait pas moins, par ses dérisions, à détruire la foi de ses compagnons de voyage. Il lançait à tous propos force sarcasmes contre la religion catholique et contre tous les cultes chrétiens.

Il s’approcha de madame Baby, occupée à une lecture spirituelle, et lui offrit, sans façon, un livre qu’il tira de sa poche, en lui disant que cet ouvrage l’amuserait beaucoup plus que celui qu’elle lisait.

— Je ne lis pas ce livre pour m’amuser, fit cette dame, mais je prie Dieu qu’il nous préserve de tous dangers pendant cette navigation souvent dangereuse.

  1. Madame Baby, née susanne De la Croix-Réaume, était native du Détroit, et y avait épousé en 1760 l’honorable Jacques Dupéron Baby, qui avait servi dans l’armée française, pendant les guerres de la conquête. Il avait assisté en qualité d’officier de la milice canadienne, aux batailles de la Monongahéla, d’Abraham, et de Sainte-Foye.

    Établi au Détroit après la conquête, il y exerça une grande influence en qualité de surintendant des Sauvages ; et ce fut en récompense de ses services, qu’il y fut nommé juge, en 1788, par Lord Dorchester. Il mourut peu de temps après, laissant une puissante fortune à sa famille.

    Il était petit fils du premier et unique rejeton de cette famille venu en Canada : « honorable homme » Jacques Baby, Seigneur de Ranville, officier du régiment de Carignan, arrivé dans la colonie en 1664.