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à vingt ans, jamais une goutte de liqueurs enivrantes n’est approchée de ses lèvres. Il fait alors ce raisonnement : l’abus des spiritueux pendant quelques années m’avait rendu ivrogne de sobre que j’étais naturellement, ce n’est donc que l’habitude qui conduit à ce vice : je n’ai plus rien à craindre maintenant de mon ancien ennemi après quinze ans de sobriété ; je puis faire comme les autres maintenant : l’expérience du passé me servira d’égide. Il avale un verre, un seul verre d’eau-de-vie ; la rage de boire s’empare aussitôt de lui, et il redevient plus ivrogne même qu’il ne l’était autrefois. Ce n’est pas un cas isolé, je pourrais en citer maints exemples. Oui ! aussi ivrogne ! et plus ivrogne même que par le passé !

Nous avons tous connu à Québec, autrefois, un gentleman anglais qui a fait une fortune considérable dans le Canada, où il a demeuré un grand nombre d’années ; il passait pour abstème et disait souvent quand il dînait avec ses amis : « Aussi longtemps que le fleuve Saint-Laurent continuera de couler, je ne manquerai jamais de boisson. » De retour en Angleterre sur ses vieux jours, nous apprîmes avec surprise qu’il traînait les rues de Londres ; et avec non moins de surprise qu’ayant été ivrogne pendant sa jeunesse, il avait fait vœu de ne goûter aucune liqueur forte pendant vingt ans. Se croyant corrigé après un si long terme, il avait cru pouvoir impunément prendre du vin à un dîner avec ses amis, mais, hélas ! le démon de l’ivrognerie en fit aussitôt sa proie.

Il ne reste du pauvre McCarthy que le triste souvenir de ses malheurs et un ouvrage qu’il a publié en l’année