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enfants, et n’avez-vous pas répondu avec un gros soupir que vous n’en aviez pas ; que le ciel vous avait refusé cette consolation ?

— Oui ! oui ! mais ça n’a aucun rapport avec mes poulets ?

— À la question, s’il vous plaît, M. Joseph : Argou dit qu’on ne doit jamais s’en éloigner, et les juges lui donnent toujours raison.

Ne vous ai-je pas exprimé combien j’en étais affligé pour vous et votre vertueuse dame ? et n’ai-je pas ajouté que c’était une perte pour le pays, vu que vos enfants auraient sans doute marché sur vos traces dans la voie de la vertu.

— Eh ! oui, vous m’avez fait tous ces contes-là !

— Ne vous ai-je pas fait part du malheur arrivé à notre ragoût, que j’ai renversé par maladresse ? vous suppliant d’assister de pauvres enfants condamnés à souper sur du pain sec ? et ne m’avez-vous pas répondu que vous en étiez bien affligé, mais que vous n’aviez que deux poulets qui réchauffaient dans le fourneau du poêle pour votre repas, ainsi que pour celui du grand réfectorier, du boulanger et du cuisinier ? Ne vous ai-je pas dit, alors, en vous tirant mon salut, que nous n’en serions pas pires amis ?

— Certainement, monsieur, et vous êtes alors parti avec mes poulets.

— Ah ! je suis parti avec vos poulets, et vous ne m’avez pas arrêté ?

— Parbleu ! je l’aurais bien fait, si je les avais vus ; malgré les beaux saluts que vous me faisiez jusqu’à la porte du réfectoire.