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maintenant, que de faire un bien meilleur souper aux dépens d’autrui.

— Mais, malheureux ! qu’allons-nous devenir si tu ne réussis pas ?

— Voilà ! fit McCarthy : la faim aiguise l’adresse, sans la faim qui dévorait les jeunes Spartiates, ils se seraient souvent couchés sans souper. Attendez-moi un instant et ayez confiance : vous autres, imbéciles, êtes toujours à bout d’imagination, jamais le citoyen McCarthy.

Après une dizaine de minutes d’attente qui nous parurent un siècle, l’habile escamoteur reparaît avec deux magnifiques poulets rôtis qu’il tenait délicatement de chaque main, par l’extrémité des cuisses. La sauce manquait, à la vérité, mais c’était un petit inconvénient auquel nous fûmes peu sensibles.

— Dépêchons-nous ! dit le citoyen, car le diable va être bien vite dans le bal !

Nous avions à peine dévoré la moitié de ces succulentes volatiles, qu’on entend frapper à coups redoublés à la porte du réfectoire fermé en dedans par une serrure à chute. Puis on entend les pas s’éloigner.

— Vite ; dit McCarthy : il va revenir avec un passe-partout ; éteignons les chandelles. Mettons-nous sous les tables et faites ce que vous me verrez faire.

Quelques minutes après, M. Joseph, contre-maître laïque du séminaire, privé de son meilleur plat, fait son entrée dans notre réfectoire devenu obscur comme un four hermétiquement fermé. Il avance un peu et dit : — Impossible qu’ils se soient évadés ; je les ai entendu parler il n’y a qu’un instant.