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McCarthy avait pour principe bien arrêté, de ne jamais apprendre ses leçons.

— Pourquoi, lui dis-je un jour, n’apprends-tu pas tes leçons comme les autres écoliers ?

— Parce que c’est autant de temps de dérobé à mes plaisirs.

— Tu t’exposes à recevoir des férules, et tu cries comme un possédé quand le maître te châtie ?

— Ce n’est toujours pas aux dépens de ta peau que je les reçois, mais bien aux dépens de la mienne.

Je n’avais rien à objecter à une logique si serrée, et McCarthy continua :

— Il n’y a que les sots qui perdent leur temps à étudier : ou le maître me demandera ma leçon, ou il ne me la demandera pas : s’il me la demande et me prend seulement le second, j’en saurai toujours assez pour éviter un châtiment ; et s’il me prend le troisième ou le quatrième, je la saurai aussi bien que tous les imbéciles qui l’auront étudiée ; si, au contraire, il ne me demande pas ma leçon, ça serait besogne en pure perte que de l’avoir étudiée.

Que répondre à une logique si impitoyable ? sur le même principe, il ne faisait jamais de préparations pour expliquer les auteurs latins que nous étudions. Quant aux thèmes et versions qu’il lui fallait produire en classe, il en donnait à peu près trois sur six. Son esprit fertile en inventions lui faisait trouver mille excuses auxquelles aucun autre enfant n’aurait songé.

Si McCarthy n’étudiait pas, il n’en menait pas moins une vie très-active : il fréquentait les séances du parlement et des cours de justice, se moquait des juges,