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— Je l’ai tué avec votre graine d’oignon, fit McCarthy. J’ai fait un petit négoce avec les habitants, et j’ai échangé votre graine pour de la bonne poudre : McCarthy trompe les autres, ajouta-t-il, en secouant la tête, mais bien rusé qui le mystifie !

— Comment, malheureux ; s’écria M. Demers, tu as trafiqué la graine d’oignon de notre jardinier pour quelques coups de poudre ; sais-tu qu’il y en avait au moins pour vingt-cinq à trente chelins ?

— Que voulez-vous ? Messieurs, fit McCarthy : apprenti n’est pas maître ; je n’ai commencé la traite que ce matin, et une autre fois je ferai mieux.

M. Demers en fut quitte pour sa graine d’oignon, et rit de bon cœur du tour que McCarthy lui avait joué. Autant que je me souviens, plein un dé de cette graine se vendait alors trente sols. Quant à McCarthy, il nous amusa beaucoup quand il nous fit le récit de son entrevue avec la mère Jean Guilbaut.

Excellent, Monsieur Demers ! nous l’aimions tous comme s’il eût été notre père ! Quelle bonté ! Quelle indulgence pour les fautes, pour les égarements de la jeunesse ! Je lui dois pour ma part un tribut de reconnaissance que je n’ai jamais eu l’occasion de lui payer, mais il savait que je le portais dans mon cœur ! Qu’il me pardonne, à moi profane, d’évoquer le souvenir d’un si digne prêtre, d’un saint dans le ciel !

C’est encore une énigme pour moi de savoir comment McCarthy a réussi à faire de solides études ; comment, sans avoir rien fait, il s’est trouvé, à sa sortie du séminaire, savoir le latin aussi bien qu’aucun de nous : ce que je n’aurais jamais pu croire sans m’en être assuré.