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savez que les Français aiment les oignons, et c’est pour cela que ma cousine nous a envoyé de la graine, crainte que nous en ayons perdu l’espèce.

Et McCarthy ouvrant le mouchoir, en étale le contenu devant la vieille.

— Ah ! la belle graine ! fit la mère Guilbaut !

— Vous n’êtes pas difficile, la mère, dit Justin : pure graine française, sans mélange étranger.

— Les Français, fit la bonne femme, ont bien raison d’aimer les oignons, on ne peut rien faire de bon sans eux.

— Ça montre votre bon goût, Madame ; quel délicieux déjeuner qu’une tranche de pain avec un oignon cru à la croque au sel, un jour de vendredi.

— Dites-le donc ! M. McCarthy, mais il faut qu’il y ait aussi du beurre sur le pain. En attendant, vous allez me donner plein un dé de votre bonne graine française.

— Une politesse, la mère, se rend par une autre ; je vais vous la donner toute, mais en échange vous allez me donner quelques coups de poudre, car mes munitions sont épuisées.

— De tout mon cœur, dit la vieille, et elle donna sur la provision de son mari, grand chasseur, autant de poudre que Justin en désirait.

Il se rend aussitôt sur la grève où les alouettes étaient en telle abondance, qu’il eut bien vite fait une excellente chasse. Chacun attendait son retour avec impatience, afin de se moquer de lui ; aussi grande fut la surprise à la vue d’une gibecière si bien garnie.

— Où as-tu pris ce gibier, dit M. Demers ?