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Nous sortîmes tous alors dans la rue, et nous arrêtâmes le cheval, en criant au charretier, déjà bien loin, de revenir, ce qu’il fit en voyant si nombreuse compagnie.

— Qu’avez-vous, Flamand ? lui dit Ross, qui le connaissait. Pourquoi vous enfuir comme si vous aviez perdu la tête. Gare à la bonne femme ! Je crains que vous n’ayez pris un coup de trop ?

— Il y a, monsieur, fit Flamand, que j’ai vu le diable et que l’on fuirait à moins !

— Allez vous coucher, mon cher Flamand, lui dis-je, et tâchez de vous faufiler sans bruit auprès de la bonne femme, qui n’entend pas badinage, quand elle s’aperçoit que vous avez pris un coup de trop.

— Ah ! j’ai pris un coup de trop ! répliqua Flamand ; vous allez aussi me persuader que je n’ai pas senti le coup de fourche que le diable m’a donné dans les reins, lorsque j’ai sauté hors de ma voiture !

Cette dernière assertion nous fait tant rire, que Flamand monte dans sa voiture en jurant, fouette son cheval à tour de bras et disparaît bien vite de l’autre côté de la porte du Palais.

Une autre scène, puisqu’elle me revient soudainement à la mémoire.

Un vieux garçon, riche et fort avare, avait promis, s’il gagnait un certain procès auquel il attachait un grand prix, de donner un dîner à ses avocats, ainsi qu’à un certain nombre de leurs amis, en sus de leurs honoraires. Le menu de ce repas commença par nous mettre en belle humeur, ainsi que les instances de notre amphitryon pour placer un de nous à la tête de