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pendant toute la durée de la récréation. Ce qui nous amusait le plus étaient les chansons qu’il improvisait dans le style burlesque des habitants, pour tourmenter les jeunes campagnards du pensionnat. Je ne puis me défendre d’en citer une : ça me rappelle ma belle jeunesse. Moquin nous amusait depuis environ une demi-heure, quand arrive le fils d’un cultivateur venu récemment parmi nous et qui, la bouche béante, écoutait de toutes ses oreilles.

— Ton père, fit Moquin en s’allongeant un peu le menton, a-t-il été à la guerre du temps du Français ?

— Non, dit Leclerc ; mais mon défunt grand-père était à Carillon.

— Ah ! ton défunt grand-père était à Carillon. Il doit, alors, avoir connu le général Macalm (Montcalm) ; et tu dois savoir la belle complainte que les soldats firent sur lui quand il mourut.

— Non, dit Leclerc ; mais j’aimerais à l’entendre chanter.

Moquin se mit à rire et dit : Moi aussi.

Nous criâmes tous : « la complainte ! la complainte du général Macalm ! »

— Êtes-vous fous ! dit Moquin ; vous voyez bien qu’elle n’a jamais existé ; que c’est un badinage de mon invention.

Mais nous n’en vociférâmes que plus fort : « la complainte ! la complainte ! »

— Puisque vous le voulez absolument, il faut bien vous contenter, fit Moquin.

Moquin, même tout jeune, avait la figure d’un vieillard, mais, pour ajouter à son rôle, il s’allongea, à cette