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Un riche habitant ayant un paiement à faire à monsieur Deschenaux, tira de sa bourse un billet (army-bill) de cent piastres, portant intérêt à six pour cent, et rachetable par le gouvernement à la fin de la lutte.

La cuisinière venait de retirer du feu, et avait déposé sur le foyer de la cheminée, un poëlon contenant une délicieuse fricassée de poulets que le vieux chien de la maison flairait avec délice. Le billet échappe des mains de Jean-Baptiste et tombe au beau milieu de l’excellent mets ; le propriétaire d’icelui se baisse et y plonge la main, aux risques de se brûler jusqu’aux os, et en retire son trésor ; mais le chien, encore plus prompt happe le billet tout dégoûtant de la riche et succulente sauce avant que l’habitant ait le temps de se relever. Le curé entend de sa chambre un vacarme d’enfer dans la cuisine ; il accourt, et voyant notre homme armé d’une hache, la cuisinière d’un manche à ballet comme les sorcières de Macbeth, le chien derrière elle aboyant avec fureur, croit qu’un meurtre va se commettre dans son presbytère.

— C’est ce brutal, dit la femme les yeux enflammés de colère, qui veut tuer notre chien parce qu’il a avalé sa guenille de papier.

— Guenille vous-même, vieux torchon ! vociféra Jean-Baptiste ; un beau billet de cent piastres, portant intérêt, que j’ai conservé dans mon coffre comme mes yeux, jusqu’à ce que votre affamé de chien me l’ait englouti dans sa gueule du diable.

— Tu peux bien parler des chiens affamés, ladre