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les mœurs et usages de son pays ; et Vallière, notre truchement, nous rendait compte de ses réponses sans hésiter un seul instant. Le Portugais n’était à Québec que depuis vingt-deux jours, à ce que nous dit Vallière, et après information, c’était bien vrai.

Vallière, LeBlond, Plamondon et moi, admis au barreau à peu près dans le même temps, fîmes nos premières armes à la tournée de Kamouraska. Un de nos clients, plaideur enragé comme le Chicaneau de Racine, échut en partage à Vallière pour ses péchés. Cet homme ne parlait et ne rêvait que de sa cause de cinq sols, à laquelle il pensait que tout le monde devait prendre le plus grand intérêt. Il obsédait son malheureux avocat depuis le matin jusqu’au soir : nous étions en juillet, et dès trois heures du matin, il battait la diane à sa porte. La voiture de ce prévenant plaideur stationnait toute la journée devant notre hôtel, prête à transporter l’infortuné praticien dans ses promenades pour jaser avec lui de son affaire. La ténacité de ce plaideur était telle que si nous allions souper chez le seigneur Taché, d’où nous ne sortions souvent qu’après minuit, le premier objet que Vallière voyait en sortant était son plaideur qui l’attendait dans sa calèche.

Nous ne cessions de plaisanter Vallière sur son malencontreux client.

— Et dire, fit-il un jour, que je n’aurai pas la consolation, pour me venger, de perdre sa cause.

— Pourquoi ? dit Plamondon.

— Parce qu’elle est mauvaise, répliqua Vallière, et que tu plaides contre moi.