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écoliers, et du directeur lui-même, qui avaient pris un vif intérêt à la partie.

— De grâce, monsieur Lionnais, dit Papineau, prenez ma place pour l’honneur du séminaire, et donnez une bonne leçon à cet animal des forêts.

Le directeur ne se fit pas prier pour soutenir la réputation des peaux blanches, car ayant été récollet avant d’être ordonné prêtre, il avait beaucoup joué aux dames dans son couvent, et il se piquait, avec droit d’être un adepte. Il remplace donc le vaincu, et fait signe au sauvage, qui s’était levé, de reprendre sa place.

— Moi pas capable, fit l’Indien, jouer contre grand patliasse.

Après quelques façons, il se remit pourtant au jeu. Mais je suis contraint d’avouer que notre directeur s’en retira pour le moins aussi maltraité que celui dont il avait pris la revanche.

— J’ai faim, fit le sauvage, quand les deux nouvelles parties furent terminées.

— J’aurais pensé, reprit monsieur Lionnais, que tu devais être repu après le grand nombre de dames que tu as mangées !

Puis, s’adressant à moi :

— Fais moi le plaisir, Gaspé, de mener ce glouton à la cuisine, et dis à Joseph de le bourrer de pain et de viande jusqu’à ce qu’il en crève à la peine.

Nous rimes beaucoup de ce projet de vengeance de notre directeur après la raclée qu’il avait reçue.

J’ai su depuis que les sauvages étaient généralement des joueurs de dames redoutables : naturellement très paresseux, ils passent souvent, surtout pendant l’hiver,