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MÉMOIRES.

force boisson, ceux qui étaient atteints de cette cruelle maladie. Le docteur Oliva est le premier qui ait introduit une méthode diamétralement opposée. La vaccine n’était pas alors découverte ; et il avait soin d’inoculer, autant que possible, la petite vérole, l’automne où le printemps, prescrivant aux patients de sortir tous les jours. Je fus inoculé par lui à l’âge de cinq ans, pendant le mois d’octobre, et je faisais journellement plus d’une lieue en voiture. C’est le même médecin qui disait, quand la picote faisait de grands ravages dans les campagnes : Quel bonheur pour les malheureux attaqués de cette maladie, s’ils tombaient malades dans les forêts près d’un ruisseau, sous un abri de sapin : quatre-vingt-dix sur cent recouvreraient probablement la santé.[1] Le docteur Oliva mourut vers l’année 1797, d’une attaque d’apoplexie foudroyante. Lorsque ce malheur arriva, je jouais dans la rue avec le même enfant qu’il avait sauvé d’une manière si surprenante. Ce fut une perte irréparable pour la ville de Québec, où les bons médecins étaient bien rares, à cette époque, pour ne pas dire davantage.

Je racontais dernièrement à trois de mes amis de l’aimable faculté médicale, la guérison du jeune Frédérick Oliva, au moyen d’un bain d’eau à la glace, et, à

  1. Nos habitants, en mémoire de leur origine, considèrent tout ce qui est français, comme supérieur à ce qui leur vient des autres nations ; ils font quelques fois une curieuse application de cette croyance. Mon ami feu le docteur Couillard, voulant un jour vacciner l’enfant d’un riche cultivateur : « Non, non, M. le docteur, » fit Jean-Baptiste, « point d’inventions anglaises ; « donnez-lui la bonne picote française. »

    Jean Baptiste est un sobriquet que l’on donne aux habitants de la campagne, et ma foi ! à nous tous canadiens-français ; sobriquet pour sobriquet, j’aime autant m’appeler Jean Baptiste que Jean Bœuf.