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Après avoir résidé plusieurs années à Québec, monsieur et madame Laterrière retournèrent à Londres, où les appelait l’âge avancé de sir Fenwick Bulmer. Il mourut deux ans après, en laissant une brillante fortune à sa fille. Ma bonne amie, madame Laterrière, n’est jamais revenue en Canada ; elle vit encore[1] en Angleterre, mais l’ami de mon enfance, de ma jeunesse, de mon âge mûr, repose depuis trente ans sur le sol du Canada, où il avait toujours dit qu’il reviendrait mourir.

Environs deux ans avant sa mort, il vint me rendre visite à Saint-Jean Port-Joli, et c’est la dernière fois que j’ai pressé la main d’un des hommes qui m’a le plus aimé.

Nous fîmes ensemble une partie de pêche à mon beau lac Trois-Saumons. Laterrière gravit les trois montagnes, que nous avions à franchir, avec autant de vigueur que moi, et nous nous assîmes sur le piton de la dernière pour nous reposer. Après avoir admiré le superbe panorama qui se déroulait à nos yeux, y comprise la paroisse des Éboulements, où il devait dormir de son dernier sommeil, il me dit, après avoir tiré une lancette de sa poche :

— Tiens, mon cher Gaspé, regarde cet instrument : eh bien ! je consentirais à recommencer la vie à vingt-cinq ans, sans autres biens sur la terre que les

  1. Madame Laterrière vivait encore lorsque j’écrivais ce chapitre, l’hiver dernier : elle avait lu avec beaucoup de plaisir mes « Anciens Canadiens ; » et je me proposais de lui envoyer ces chroniques, quand j’appris sa mort par son beau-frère, l’Honorable Paschal de Sales Laterrière.