Page:De Gaspé - Mémoires. 1866.djvu/238

Cette page a été validée par deux contributeurs.

était de me faire présent de cent louis ; mais de pas un sol de plus. Quant à moi, j’aurais fait, de bon cœur, le même échange tous les jours de ma vie.

Mon ami revint ensuite au Canada avec sa jeune Anglaise, qui sut bien vite se faire aimer, par son esprit, sa douceur, son amabilité, de la nouvelle société dans laquelle elle fut introduite. Après un court séjour à Québec, elle passa une année aux Éboulements, tandis que son mari faisait réparer une de ses maisons à la basse-ville, qu’il se proposait d’habiter l’année suivante.

Madame Laterrière, après son retour d’un exil momentané, nous amusait beaucoup de la frayeur que les habitants des Laurentides lui avaient inspirée.

J’avais lu, nous disait-elle, beaucoup d’ouvrages sur les aborigènes de l’Amérique du Nord ; et ce ne fut pas sans un certain effroi que je mis le pied sur le sol canadien. Mes craintes furent cependant bien vite dissipées à la vue de vos citadins ; mais il en fut autrement dès mon arrivée dans vos montagnes. Outre que le costume primitif des Éboulois était différent de tous ceux que j’avais vu, même à Québec, ces montagnards sont naturellement très bruns, et je me crus si bien au beau milieu d’une population de sauvage, que je fus longtemps sans oser m’éloigner seule du manoir seigneurial. Je leur croyais des goûts d’anthropophages ; et je supposais que s’ils ne m’avaient pas encore dévorée, c’est qu’ils me trouvaient trop maigre pour faire honneur à leur cuisine. Nos Éboulois sont pourtant de bonnes et braves gens, que je sus ensuite apprécier.