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tout entendu, me regarda attentivement, et dit au caissier : donnez à ce monsieur les dix louis qu’il demande.

Je retournai le lendemain chez les mêmes banquiers, muni d’une traite tirée sur eux-mêmes, par mon banquier de Londres, et après en avoir retiré le montant, déduction faite des dix louis que j’avais touchés le jour précédent, je demandai au même directeur qui m’avait si galamment obligé, ce qui pouvait l’avoir induit à se fier à la parole d’un inconnu.

— Mon cher monsieur, me dit-il, chacun a son faible dans ce bas monde : j’ai étudié Lavater, et le mien est de me croire un grand physionomiste. Vous jugeant d’après les principes de mon maître, j’ai pensé que si votre figure n’était pas une caution suffisante pour dix louis, il ne me resterait qu’à renoncer à mon étude favorite.

— Alors, monsieur, lui dis-je, en badinant, c’est vous maintenant qui êtes dans mes dettes.

— Certainement, fit-il, et pour commencer à m’acquitter envers vous, je vous prie de vouloir bien accepter un dîner en famille, chez moi, aujourd’hui.

J’acceptai une première invitation suivie de plusieurs autres, et les soirées que je passai avec cette aimable famille et les amis de la maison m’ont exempté bien des folies.

Laterrière, le plus gai des hommes, me disait à ce sujet : Tu ne t’imagines pas combien j’étais porté sur la main par mes jeunes amis anglais, qui n’avaient aucune idée de la gaîté française. Dès que je faisais mon entrée dans un cercle où j’étais attendu, les