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John Ross[1] me dit que le conseiller Cartwright, du Haut-Canada, sachant que j’étais sur les lieux, désirait beaucoup faire ma connaissance. Je m’empressai de lui rendre visite. C’était un beau vieillard, d’une haute stature, dont tous les traits me rappelèrent son fils ; et surtout cet air de douceur et de franchise, que j’ai rarement vu empreint sur la physionomie même d’un jeune homme. Aussitôt que Ross m’eût nommé, il se leva de son siège, me tendit deux mains tremblantes d’émotion, et dit en serrant les miennes : poor James loved you well (le pauvre James vous aimait bien). Il me parla longtemps, mais avec la plus grande résignation aux décrets de la Providence, de la perte qu’il avait faite, répétant souvent : J’ai perdu un bon fils ! Il ajouta : Vos deux dernières lettres ont été scellées sous la même enveloppe avec celles que vous aviez écrites à mon fils lorsqu’il vivait ; il aurait été peu délicat de violer des secrets de jeunes gens confiés à l’amitié.

Ce que je vais raconter doit avoir eu lieu pendant l’été de l’année 1807. Quelque insignifiante que soit la petite aventure, elle ne laissera pas de faire ouvrir de grands yeux à la jeune génération qui connaît aujourd’hui la ville de Québec.

Nous étions de retour d’un charmant pic-nic à l’Ancienne-Lorette, vers dix heures du soir. Les autres voitures étaient déjà dans l’enceinte des murs de notre bonne cité, lorsque nous arrivâmes à la porte Saint-

  1. M. John Ross, Protonotaire de la cour du Banc du Roi, aussi doux, aussi aimable, qu’il était ami sincère. Il mourut jeune et universellement regretté.