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aucune réponse à mes deux dernières lettres je ne savais à quoi attribuer un silence qui m’affligeait, lorsqu’étant arrêté un jour près de la cathédrale de Québec, je vis venir un marchand anglais que je ne connaissais que de vue. Il était accompagné d’un jeune étranger, qui, après avoir échangé quelques paroles avec son compagnon, s’avança vers moi, me tendit la main, et me dit avec une vive émotion : « poor Cartwright is dead ! » (le pauvre Cartwright est mort) et ayant ainsi parlé, il continua sa route. Ces courtes paroles, prononcées avec un accent de mélancolie profonde, par cet étranger qui s’éloigna aussitôt, me firent une impression si douloureuse que j’entrai dans l’église déserte pour cacher ma douleur.

Le cher Cartwright ne m’avait pas oublié ; il avait souvent parlé de moi à ses amis haut-canadiens. Il leur avait sans doute dit : si vous allez à Québec, je vous donnerai une lettre d’introduction pour Gaspé, mon plus sincère ami, et il fera honneur à ma lettre. Le jeune étranger, dont l’apparition avait été si courte et si subite, en aurait sans doute profité du vivant de Cartwright, mais le lien qui nous aurait uni était maintenant rompu : j’étais maintenant un étranger auquel, avec une réserve toute britannique, il craignait sans doute de s’imposer sans introduction suffisante. J’essayai de le rejoindre le lendemain, mais il s’était embarqué la veille pour l’Angleterre. Il me semble que son nom était Baldwin.

J’étais à Kamouraska trois ou quatre ans après la mort de cet excellent jeune homme, lorsque mon ami