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Mon ami Pierre de Sales Laterrière, étudiant en médecine, entrant sur ces entrefaites, interrompit cet intéressant dialogue avec ma conscience. Je lui fis un récit fidèle de mon aventure, mais il ne fit qu’en rire en disant : — Pas mal débuté ; je n’aurais pas fait mieux, moi, qui m’en pique. Un long gémissement fut ma seule réponse à cette saillie intempestive.

— Voyons, mon fiston, puisque tu n’as pas, contre ton ordinaire, l’humeur à rire, ce matin, examinons les dommages. D’abord point de fractures : les os sont dans leur état normal.

— C’est très consolant, répliquai-je en poussant un gros soupir : il n’aurait manqué à mes jouissances qu’une double fracture !

— Tu es, il est vrai, me dit-il, écorché au vif ; mais quelques aunes d’emplâtres, judicieusement appliquées et aussi un peu d’aide à la nature au moyen d’un diaphorétique, te guériront comme père et mère.

— C’est très heureux ! repris-je, j’en suis, quant à mes blessures, après tout, quitte à bon marché : quelques aunes d’emplâtres ! ce n’est qu’une misère.

— Allons doucement, ajouta mon ami : un de tes genoux est très enflé, et je crains la tumeur blanche, qui est une affection très dangereuse. Le moins qui pourrait t’arriver, si l’amputation ne devenait pas nécessaire, serait de rester boiteux pendant le reste de tes jours : ce serait vraiment dommage, toi, qui te sers si bien des jambes que le bon Dieu t’a données.

Et il me fit ensuite un long discours, très savant sans doute, pour m’expliquer tous les symptômes et toutes