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MÉMOIRES.

J’ai continué à vivre pendant dix ans encore avec la crainte de la coqueluche devant les yeux, car ma mère m’avait souvent dit que je ne l’avais jamais eue.

Bah, me dis-je, après ce laps de temps, je me moque maintenant de madame Coqueluche.

Je continuai à vivre encore pendant près de soixante ans, libéré de toute crainte à cet égard, lorsqu’un rhume épouvantable, accompagné d’une fièvre violente, et d’étouffements, me rendit si malade pendant trois mois que j’aurais donné ma vie pour un chelin. Je prétendais que c’était la coqueluche, que je ne l’avais jamais eue, que j’en avais tous les symptômes, mais on se moquait de moi. En effet, pendant ces accès de toux, j’étais souvent plusieurs secondes sans respirer ; je trépignais, je renâclais, et mes filles, craignant que je n’étouffasse, me frappaient dans le dos comme on fait aux petits enfants. Elles accouraient souvent pendant la nuit pour me secourir.

J’ai toujours considéré le changement d’air comme un grand médecin ; je m’étais réfugié à la campagne au commencement de ma maladie, et lorsque j’en avais la force, je faisais tous les jours une lieue ou deux en voiture. Les habitants de Saint-Jean Port-Joli et de L’Islet secouaient la tête d’un air sinistre quand ils me voyaient passer ; ce que j’interprétais par ces mots à ceux qui m’accompagnaient : Nous ne tarderons pas à dire le défunt monsieur Gaspé.

De retour à Québec, vers l’automne, et entièrement guéri, malgré les prédictions de mes bons censitaires et autres, je fis part au Dr Morrin, aussi habile médecin