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plus anciens et des plus respectables citoyens de la ville de Québec, ne m’eût rappelé, hier, l’anecdote que je vais citer, je n’en aurais pas fait mention dans ces mémoires, quoique les conséquences qui s’en suivirent, tout en accusant les folies de ma jeunesse, puissent être utiles à beaucoup de nos jeunes gens.

Je rencontre un jour mon ami de collège, William Philips,[1] qui me dit : viendras-tu à la course demain ? — Quelle course ? lui dis-je. — Mais d’où sors-tu ? — Je sors de déjeuner, et je vais, dans l’instant, reprendre le collier de misère, repris-je en montrant le bureau dans lequel je faisais mon cours de droit.

— Eh bien ! dit William, puisque tu sembles plutôt sortir de l’autre monde, toi, ordinairement rendu le premier à toutes nos parties fines, je t’annonces qu’il y aura demain, sur les plaines, une course à laquelle tous ceux qui jouissent de bonnes jambes ont droit de prendre part ; et voici ce qui a donné lieu à cette lutte pédestre. Un jeune cockney (badaud), ayant nom Bowes, arrivé récemment de Londres, se donne des airs de supériorité qui nous déplaisent fort à nous, Canadiens-anglais : il méprise tout ce qu’il voit ici, répétant à chaque instant : ce n’est pas comme dans la vieille Angleterre ! À l’entendre parler, il excelle en tout : il se donne pour un grand chasseur, pour un pêcheur sans pareil et enfin pour un coureur de première force, se faisant fort de vaincre, à cet exercice, tous les jeunes gens de Québec. Nous

  1. M. William Philips, enlevé si subitement, par une mort cruelle, à son excellente famille et à un nombreux cercles d’amis.