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éclats avaient rejaillis sur notre hémisphère, lorsque mon père rentra chez lui d’un air moins satisfait que son ami Pye l’aurait supposé, et s’écria : je l’avais prévu, Bonaparte a écrasé l’armée des alliés !

Un gentilhomme allemand me racontait, sur cette terrible bataille, une anecdote, que je n’ai lue nulle part, et qu’il tenait d’un de ses cousins, officier dans l’armée prussienne, avec lequel il correspondait. La voici.

Lors de la déroute des armées alliées, pendant que l’artillerie française foudroyait les malheureux fugitifs entassés sur les glaciers du lac Sokolnitz, et que leur cavalerie, acharnée à la poursuite des vaincus, les sabraient sans pitié, un général autrichien, prisonnier, se jeta aux genoux de Napoléon, en s’écriant : Pour Dieu ! sire, faites cesser le carnage !

Une particularité, assez singulière des Anglais d’autrefois, c’est que, tout en se vantant d’avoir toujours battu les Français, ils refusaient même le courage à leurs ennemis. Cowardly (lâches) était ordinairement l’épithète dont ils assaisonnaient le nom de Français ; et nous en recevions les éclaboussures. Il me semble à moi, qui me targue d’avoir le gros sens commun, que c’était peu glorieux pour eux de battre des lâches et des poltrons ! et pourtant de se faire battre quelquefois par des hommes aussi pusillanimes ! N’importe ; nous fûmes un jour noblement vengés, même par un Anglais.

C’était un peu avant la guerre de 1812 : on s’occupait activement des mesures propres à résister à nos puissants voisins, lorsqu’un officier dit qu’il serait