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tère ! Mais, ajouta le curé, en voyant l’air abattu du Huron : tu as fait pour le mieux ; pardonne-moi ce que je t’ai dit : tu es au contraire un bon sauvage, et je te remercie des bons soins que tu as donnés au pauvre Canadien.

Six habitants charitables, continua le père Laurent Caron, allèrent le lendemain chercher le corps d’Aubé ; et il fut enterré sans grande cérémonie, comme il convenait à un homme qui avait donné, pendant toute sa vie, des mauvais exemples à la paroisse.

Il y avait donc environ un an qu’Aubé était mort, et on l’avait presque oublié. Les plus charitables de ceux qui en parlaient par-ci par-là, lui homologuaient (accordaient) quelques centaines d’années dans le purgatoire, et tout était dit ; lorsque le curé de l’Islet reçut d’un prêtre de France, son ami, une lettre qui contenait le passage suivant : « J’ai été appelé dans le courant du mois d’octobre, l’année dernière, conjointement avec deux autres prêtres, afin d’exorciser un possédé qui faisait un vacarme épouvantable ; il brisait ses liens, et vomissait des obscénités et des blasphèmes à faire frémir d’horreur. Après les conjurations d’usage, il se calma, et nous crûmes que Satan avait vidé les lieux ; mais, à notre grande surprise, à l’expiration de trois jours, on vint encore requérir notre ministère en nous disant que le possédé était encore pire qu’auparavant. Je portai la parole, et le dialogue suivant s’engagea entre moi et l’esprit des ténèbres : Pourquoi as-tu cessé pendant trois jours de tourmenter ce chrétien ? — Parce que j’ai voyagé. — Où es-tu allé ? — Dans les forêts du Canada. — Qu’as-tu été faire