Page:De Gaspé - Mémoires. 1866.djvu/192

Cette page a été validée par deux contributeurs.

et je désirais un prêtre comme médiateur entre moi et la divinité.

Arrivé ici, hier, après trois jours d’une marche pénible, je me couchai exténué de fatigue ; mais à peine étais-je sur mon lit que je vis, tout à coup, un ours énorme, assis sur ses pattes de derrière, qui me regardait avec des yeux rouges et enflammés. Je pensai que c’était Satan qui attendait mon âme pour l’emporter. Je tremblais de tout mon corps ; mais au souvenir de mes crimes, de mes blasphèmes, je craignais d’irriter Dieu davantage en l’implorant. L’animal fit un mouvement pour s’élancer sur moi, je criai : ma mère ! ma mère ! comme je faisais quand j’étais enfant et qu’un danger me menaçait. Comme si elle m’eût entendu, la médaille de la sainte Vierge se trouva entre mes doigts ; je l’élevai vers l’ours et il se recula avec effroi dans le fond de la cabane. Je vis alors que Dieu ne m’avait pas abandonné, qu’il avait écouté les prières de sa sainte mère qui est aussi la mère de tous les chrétiens ; que ma patronne, qui avait versé tant de larmes sur son divin fils, avait été touché du désespoir d’une mère chrétienne l’implorant pour le sien ; que la bonne Vierge n’avait cessé d’implorer pour moi la miséricorde divine jusqu’à ce que le Christ l’eût exaucée ; et je priai, priai avec ferveur et confiance. Ne pouvant me confesser à un prêtre, je me confessai à Dieu ; je lui fis l’aveu de mes iniquités dans les pleurs et le repentir, et le calme et l’espérance sont rentrés dans mon âme. Dis bien tout cela au curé de l’Islet ; prie-le de consoler ma mère, et de