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— Je marche, marche toujours plus vite pour le rattraper : mais quand j’arrivai à la cabane, il était nuit, et elle était vide : il était parti. J’allumai du feu, et je vis que mon frère le Français était malade.

— Comment l’as-tu su, dit le curé ?

— Faut pas ben fin pour le savoir, repartit l’Indien : il avait couché sur le vieux lit de sapin sans mettre des branches fraîches par-dessus, il avait laissé ses pelleteries, sans les mettre en cache sur un arbre, à l’abri de la vermine, et il n’avait pas laissé de bois dans la cabane. Vois-tu, mon père, Français laisse toujours avant de partir une attisée de bois dans la cabane pour lui ou pour les autres chasseurs qui arrivent le soir, quand il fait noir, ou mauvais temps : c’est convenu entre eux.

— Oui, dit le bedeau qui commençait à reprendre courage ; et quand les sauvages couchent dans les cabanes des Canadiens, ils brûlent tout leur bois et n’en bûchent pas d’autres pour le remplacer : ils sont trop paresseux pour cela.

— Le Grand Esprit, dit l’Indien, a créé les visages pâles et il leur a dit : cultive la terre ; notre patliasse nous a lu les belles paroles dans un livre. Il a aussi créé les peaux rouges, et il leur a dit : les forêts, les lacs, les rivières sont à toi, chasse, pêche et fais travailler tes esclaves.

— Continue ton histoire, dit le curé, peu disposé à engager une discussion théologique avec le philosophe des forêts.

— J’ai repris la piste, le lendemain, je marchais vite, car je voulais secourir mon frère le Français : je