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— Mais t’es pas patliasse, toi, fit le Huron ; t’as pas robe noire, toi couverte sur le dos comme sauvage.

Le curé, voyant que le Huron refusait de reconnaître un prêtre sans robe noire, prit un moyen terme, lui tourna le dos, et mettant un doigt sur sa tonsure, dit : Regarde.

— Houa ! fit l’Indien, toi, bon patliasse ! Et il s’assied sur le plancher en tenant son fusil entre ses jambes.

— J’étais là-bas, là-bas, fit le Huron en étendant un bras vers le sud, à quatre jours de marche du fleuve Saint-Laurent ; je retournais à mon village après ma chasse, quand je tombai sur la piste et sur le placage d’un Français.[1] Bon ! que je dis, il y a un chasseur par ici, j’irai coucher à sa cabane. Après avoir marché pas mal longtemps, je vis à la piste du Français qu’il était bien fatigué.

— Comment, dit le prêtre, as-tu su que c’était la piste d’un Français et qu’il était fatigué ?

— Pas malaisé, fit l’Indien : le sauvage marche toujours les pieds en dedans comme s’il était sur des raquettes ; le blanc, lui, marche pied droit ou en dehors. J’ai vu que le Français était fatigué, parce que ses pas devenaient toujours plus courts, et que son pied enfonçait davantage dans la terre molle.

Le curé étant satisfait de cette explication, le sauvage continua son récit.

  1. Les chasseurs canadiens font souvent de petites entailles sur l’écorce des arbres qui leur servent de guides dans nos immenses forêts, surtout s’ils tiennent à revenir par le même chemin qu’ils ont déjà parcouru.