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soir ; le curé de l’Islet, qui desservait aussi la paroisse de Saint-Jean Port-Joli, était couché, lorsque son bedeau, qui demeurait au presbytère, vint le réveiller en lui disant qu’on frappait à la porte de la cuisine.

— Alors, ouvre la porte, dit le curé : on vient, je suppose, me chercher pour un malade ; je vais m’habiller dans l’instant.

— Mais, dit le bedeau, c’est un sauvage, je l’ai reconnu à sa voix, et il n’y a pas de fiat avec ces nations-là : c’est traîtres comme le diable ! »

Le curé qui savait que son bedeau n’était pas hardi, enfourche ses culottes, s’entortille dans une couverte, court à la porte de la cuisine et demande qui est là ?

— C’est moi, mon brère (frère), répondit l’étranger : je voudrais parler à patliasse ; j’ai paroles d’un homme mort à lui porter.

— N’ouvrez pas, pour l’amour de Dieu ! cria le bedeau, qui se tenait, armé d’un tisonnier de fer, derrière le curé ; il est probable qu’il arrive de l’enfer des sauvages, où tous les morts sont logés sans en manquer un !

Le curé, sans tenir compte des frayeurs du bedeau, ouvrit aussitôt la porte qui livra passage à un jeune Huron, à la mine fière, mais bienveillante. Il s’appuya sur le bout du canon de son fusil, dont la crosse reposait à terre, regarda de tous côtés, mais ne trouvant pas ce qu’il cherchait, il dit : Je veux parler à patliasse : j’ai paroles d’un mort à lui porter.

Le bedeau se colla amont le curé, qui le rangea d’un coup d’épaule, et dit à l’Indien : je suis le patliasse.