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Caron, il est temps de souper : c’est une longue histoire que je vous raconterai en fumant ma pipe près du feu.

Un de nous se mit à crier de toute la force de ses poumons : « allons souper ! » Et le plus bel écho répéta distinctement « allons souper ! » Et les mots « allons souper » furent répétés plusieurs fois, mais toujours en diminuant, jusqu’à ce que le mot « souper » seul se fit entendre, comme si quelqu’un nous eût parlé bas à l’oreille : c’était le murmure du septième écho.

Ce fut ensuite un feu roulant de cris, de phrases, de questions les plus saugrenues que jamais écho ait été condamné à reproduire. Le père Caron avait beau nous dire que le souper était prêt, que la bisque[1] allait brûler, nous n’en tînmes aucun compte pendant au moins une bonne demi-heure. Trouvant, sans doute, que nous ne faisions pas assez de vacarme, je m’avisai de tirer un coup de fusil : l’effet de la détonation fut si effrayant, que nous ployâmes les épaules comme si les montagnes, ébranlées par une forte secousse de tremblement de terre, menaçaient de nous écraser.[2]

    alors très-éloignées du lac, et donna l’alarme. Le corps de Toussaint fut retiré de l’eau, peu profonde à cet endroit, avec un hameçon à morue.

    Charles Toussaint lui-même m’a souvent raconté la triste mort de son père.

  1. La bisque est de la farine de blé délayée avec du lait, ou, en son absence, avec de l’eau simplement, que l’on mange le plus souvent dans la forêt avec des palettes de bois, comme les Orientaux, faute de cuiller.
  2. Mon vieil ami, monsieur le docteur Painchaud, peut témoigner des merveilles des échos du lac Trois-Saumons, quoique ceux qui fréquentent maintenant ce beau lac n’en parlent que bien froidement. Peut-être est-ce parce que leur endroit de pêche de prédilection est l’anse à Toussaint au sud, tandis que nous campions autrefois au nord du lac.