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« Mon père a fait bâtir maison,
« Va, va, va, petit bonnet tout rond.

« Ce sont trois cordonniers[1] qui la font,
« Va, va, va, petit bonnet tout rond. »

Le père Laurent Caron, vieillard à sa rente, suivant l’expression canadienne, vint nous recevoir au bas de son perron, son bonnet rouge sous le bras, en nous priant, avec cette politesse exquise et gracieuse des anciens Canadiens-français, de vouloir bien nous donner la peine d’entrer.

Je ne puis m’empêcher de faire la remarque, quitte à me faire échiner par nos élégants d’aujourd’hui, que la plupart d’eux ont l’air de valets endimanchés comparés à ces vieillards des anciens jours.

Après un bout de conversation, suivant l’usage reçu dans les campagnes, j’en vins au but de notre visite, et je lui demandai s’il voulait bien nous conduire au lac.

— Certainement, mon jeune seigneur, dit le père Caron, en faisant des clins d’œil comiques à mes amis, mais en payant.

— Je l’entends bien comme cela, répliquai-je.

— C’est entendu, fit le père Laurent, en continuant la même pantomime, mais nous allons toujours commencer par déjeuner.

Comme nous avions fait près d’une lieue, chargés comme des mulets, à travers bois et champs, nous ne refusâmes que pour la forme, et nous finîmes par faire

  1. Il y a charpentier dans la chanson, mais cordonnier nous paraissait plus piquant.