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MÉMOIRES.

Il me fit ensuite un long récit de ses voyages pendant les années précédentes ; il parla avec enthousiasme de la vie de marin, de deux naufrages qu’il avait déjà faits, quoiqu’il ne fût âgé que de vingt ans, tout en jurant avec beaucoup d’énergie contre le dernier sinistre qui l’obligeait à passer six mois de suite sur terre.

— Mais, ajouta Lafleur, à quelque chose malheur est bon : tout en dérouillant les écus de l’aimable beau-père qui voudrait me voir à tous les diables, je vais tâcher de faire des recrues. N’est-ce pas une honte pour le pays de voir des centaines de jeunes gens alertes et vigoureux, parmi nos Canadiens, qui n’ont pas encore respiré une gueulée de l’air de l’océan, de les voir ici se traîner, comme des tortues à sec sur les rivages des îles Sous le Vent, de les voir obéir comme des moutons à pères et mères, juges, magistrats, tandis qu’une fois le pied sur un bon vaisseau, ils sont libres comme les vagues de l’océan.

— Vous ne faites pas mention, lui dis-je, de la garcette du capitaine ?

— La garcette ! La garcette ! C’est moi qui m’en moque de la garcette ! je n’en ai jamais goûté que quand la peau me démangeait, et pour cause de mes espiègleries : jamais par incapacité, ou pour manquer à mes devoirs de matelot. J’ai toujours été glorieux de montrer le savoir-faire d’un Canadien, et je me suis toujours fait aimer de mes capitaines.

Le même jour que je m’embarquai comme mousse dans un vaisseau faisant voile pour l’Angleterre, il y