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MÉMOIRES.

dont il imitait sans cesse les allures, soutenait une conversation très animée avec le matelot auquel il tirait la langue en lui faisant des grimaces de singe et en lui rendant goddam pour goddam : tandis que Jack de son côté nous menaçait tour à tour de son énorme poing.

Je ne comprenais pas la langue anglaise à cette époque, tandis que mon compagnon parlait le plus pur anglais des matelots britanniques ; et je lui demandai ce que disait maître Jack.

— Cet animal, fit Lafleur, se propose, dès que nous serons le long du quai, de doubler le nombre de claques que tu as déjà reçues pour t’apprendre à mieux nager à l’avenir ; mais quant à moi, comme il n’a rien à me reprocher à cet égard, il veut m’infliger la même punition sous prétexte que j’ai jeté, l’année dernière, lorsque le navire était le long du quai, ses caleçons dans la marmite à soupe du coq.

— Que faire ? dis-je, en me frottant à deux mains les parties affligées qui me cuisaient comme du feu.

— Comme je t’aime, fit Lafleur, et que j’ai la peau dure comme du cuir tanné, tandis que toi, fils de monsieur, tu l’as tendre comme un officier, je lui ai proposé de recevoir seul la discipline y compris les coups à ton avoir, pour ses chiens de caleçons qui m’ont échappé des mains, à ce que je lui ai dit lorsque je les faisais sécher au-dessus de la marmite du coq. Mais, ajouta Lafleur, si les coups sont inévitables pour l’un de nous, je ne vois aucune nécessité que l’autre en reçoive sa part. J’ai fait jusqu’ici ce que tu peux attendre du dévouement d’un ami sin-