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MÉMOIRES.

moment exterminé. J’eus pourtant le courage de vous en rendre compte, lorsqu’est intervenu mon ami John Ross, alors mon compagnon d’école, qui prit ma part, et à nous deux nous vous rossâmes à plate couture. Vous devez, sans doute, vous en rappeler ? quant à moi, je ne puis l’oublier, car mon œil gauche en porte encore la marque : le sourcil étant abattu au point presque de m’éblouir la vue. Mais n’importe : quoique nous ayons été ennemis acharnés pour le moment, ça n’a pas eu l’effet d’empêcher les civilités qui ont eu lieu entre l’Honorable George Savense de Beaujeu, votre gendre, et moi, pendant tout le temps que j’ai été son censitaire (14 ans), à Soulanges.

« Veuillez accepter ma carte de visite.

« Je demeure, avec considération,
« Votre obéissant serviteur,
« (Signé)Js. THOMPSON,
« D. C. G. »

Je crois que monsieur Thompson n’est pas sérieux, quand il écrit qu’il porte encore la marque d’un coup de poing dont je l’ai gratifié il y a près de soixante-et-dix ans ; quoiqu’il soit vrai de dire que les enfants canadiens d’alors frappaient fort et dru : prenant exemple sur les hommes, qui étaient de terribles athlètes, toujours prêts à faire la boxe, qu’ils avaient, sans doute apprise des Anglais. Leurs rixes, pourtant, dans les villes, n’étaient pas aussi sanglantes que dans les campagnes : là c’était malheur au vaincu, s’il perdait l’équilibre : le vainqueur penché sur lui l’assommait sans